samedi 14 janvier 2006

Chypre : quand le Monde y perd sa référence.

Force est de constater que le quotidien "le Monde" n'observe Chypre que de très loin.

Dans dans un article du 13 janvier 2006 consacré à l'immigration à Chypre on peut lire :

"Pour les Chypriotes grecs, qui, il y a vingt ans encore, vivaient quasiment à huis clos et émigraient en masse, cet afflux de sang neuf "est une révolution", souligne le journaliste[le rédacteur en chef du quotidien anglophone Cyprus Mail, Kosta Pavlowitch], lui-même émigré de Serbie."Les Chypriotes ont réussi à avoir la plus forte concentration de travailleurs étrangers en Europe, sans jamais se poser la question de l'intégration. Comme s'ils avaient exclu dès le départ, l'idée que ces étrangers puissent avoir envie de s'établir", constate-t-il encore.

Ainsi les milliers de Chypriotes turcs qui, chaque matin, passent la "ligne verte" pour travailler au Sud, reprennent chaque soir le chemin du Nord. Le permis de travail pour les étrangers hors UE est renouvelable chaque année, mais il a une durée maximale de quatre ans. "Ce qui prive les travailleurs étrangers de l'accès à la citoyenneté [possible après cinq ans de résidence] et permet de reproduire à leur encontre un schéma de précarité et d'exclusion", relève la juriste Corina Demetriou. "Chypre commence à ressembler aux pays du Golfe", remarque Mete Hatay, évoquant ces Etats arabes où les immigrés sont souvent seuls, ou presque, à travailler — les riches autochtones empochant les dividendes."

Que comprendre de ces lignes?

Que selon le Monde, les Chypriotes turcs sont des étrangers au "Sud" ayant besoin d'un permis pour travailler? C'est en effet ce que peut comprendre le lecteur moyen.

C'est que le Monde semble ignorer qu'aux yeux de la République de Chypre qui contrôle encore le sud de l'île, les Chypriotes turcs, même ceux qui vivent au nord, sont des citoyens chypriotes, comme les Chypriotes grecs, qui bénéficient d'un passeport chypriote, de la sécurité sociale et des soins médicaux offerts par la République de Chypre, et ne sont nullement des étrangers...

Les citoyens chypriotes turcs ont parfaitement le droit de travailler et de s'établir au Sud, et depuis l'affaire Arif MUSTAFA, la justice chypriote a rappelé le caractère inviolable du droit de propriété des Chypriotes turcs qui avaient quitté le sud en 1975. Rappelons que les Chypriotes grecs, eux, n'ont pas la possibilité de s'établir sur leurs terres du nord de Chypre (80% de ces terres sont la propriété de citoyens chypriote grecs, qui depuis 30 ans n'ont pas accès à leur propriété en raison de leur origine ethnique). C'est la différence entre, au sud, une zone controlée par une République certes pas infaillible, mais respectueuse de l'Etat de droit, et au nord, une zone de non droit contrôlée par un régime soutenu par la Turquie, en état d'épuration ethnique perpétuelle. Les Chypriotes d'origine grecque n'y ont droit de citer que pour y dépenser leur argent dans le tourisme, les bordels ou les casinos où la mafia turque recycle son argent sale, point question de remettre en cause la spoliation massive de leurs biens par la force des armes en 74-75.

Comme l'écrit le Monde en fin d'article, "l'Europe est loin" et avec elle l'esprit européen, qui voudrait qu'un journal européen de référence sache que les Chypriotes turcs sont citoyens de la République de Chypre et européens.

Quant à la critique sociale de l'article sur l'intégration des immigrés, bien que tout soit loin d'être parfait à Chypre comme ailleurs en Europe, une chose est sûre : le rédacteur en Chef du Cyprus Mail est un émigré de Serbie... La critique émanant de l'élite responsable de l'échec de l'intégration à la française fait sourire. Mais peut-être que dans le coeur des Chypriotes, l'Europe et ses valeurs ne sont pas si loin que le Monde veut bien le croire.

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