samedi 14 janvier 2006

Le rôle trouble du Royaume-Uni

Le gouvernement britannique a annoncé début janvier 2006 qu'il recevrait le "leader chypriote turc" Mehmet Ali Talat, "Président de la République turque du nord de Chypre", un régime reconnu uniquement par la Turquie et soutenu par elle, dans un contexte tendu entre Chypre et le Royaume-Uni :

- refus persistant du Royaume Uni de payer un loyer pour les bases britanniques à Chypre en violation des accords par lesquels Chypre avait cessé d'être une colonie britannique (1959-1960), vestige du passé colonial;

- solidarité du Royaume Uni avec la position américaine de ne pas vendre d'armes au bénéfice de la petite armée de la République de Chypre, alors que la Turquie occupe le nord de Chypre quasi-exclusivement avec des armes d'origine américaine, que la Turquie a récemment renforcé ses troupes à Chypre qui comptent désormais 45.000 hommes malgré l'appui de Chypre à l'entrée de la Turquie dans l'U.E. (à mettre en parallèle avec la décision de l'Allemagne de lever les limitations aux ventes d'armes à la Turquie pour permettre la vente de chars LEOPARD II, au motif... des négociations d'entrée de la Turquie dans l'UE);

- soutien sans faille du Royaume Uni à n retour au plan de l'ONU malgré le refus démocratique exprimé par les Chypriotes grecs ; (sur le scandale que constitue ce plan, voir infra)

- décision de l'épouse Madame BLAIR, en tant qu'Avocat, de défendre une Britannique ;poursuivie pour avoir acheté illégalement le bien d'un Chypriote grec (Madame BLAIR peut exercer son métier, mais eu égard à l'attitude du Royaume Uni vis à vis de Chypre l'épouse du premier ministre britannique qui ne manqe pas d'appraître aux côtés de son mari dans ses fonctions aurait pu s'abstenir d'accepter ce dossier).


Il faut rappeler le lourd passé du Royaume-Uni à Chypre : s'étant vu confier la gestion de Chypre par les Ottomans à la fin du 19ème siècle, les Britanniques proclamèrent Chypre colonie britannique. Les Britanniques s'appuyèrent sur la minorité chypriote turque pour administrer l'île peuplée à 80% de Chypriotes d'origine grecque. Lorsque les Chypriotes grecs de l'EOKA commencèrent la lutte armée contre les Britanniques pour demander le rattachement de l'île à la Grèce, ceux-ci créèrent une police spéciale chypriote turque chargée de contrer les manifestations étudiantes des Chypriotes grecs et de seconder la police et l'armée britanniques. Dans un premier temps les Britanniques fermèrent également les yeux lors de la création de la milice turque TMT qui prônait le séparatisme et l'épuration ethnique.

Cette période laissa un mauvais souvenir des Britanniques pour le Chypriotes grecs : les forces de sa gracieuse majesté avaient recours à la torture (13 jeunes Chypriotes grecs, dont des lycéens de 17 ans et plus, ne purent survivre aux interrogatoires et furent rendus à leurs familles les ongles arrachés ou la boîte crânienne brisée par un étau, des centaines furent meurtris dans leur chair), au rassemblement de tout suspect chypriote grec dans un camp d'internement spécial, à la pendaison de militants. Ce furent aussi les Britanniques qui invitèrent la Turquie aux premières négociations sur l'avenir de l'île. Lâchés par la Grèce qui ne les soutient jamais vraiment à cette période, les Chypriotes acceptèrent la solution d'une indépendance insérée dans le carcan des accords d'indépendance. Censée garantir l'indéendnce de Chypre, le Royaume Uni (pas plus que la Grèce) ne fit rien pour contrer l'occupaton du nord de Chypre par la Turquie en 1974.

Il existe de fait un paradoxe à voir les Chypriotes, membres du Commonwealth et admiratifs du modèle anglo-américain qui inspire tout leur système légal, et leur sens du respect des droits et libertés individuels, traités avec ce degré de mépris par le Royaume-Uni.

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