vendredi 27 janvier 2006

Les Chypriotes ont-ils un problème de communication ?

Les Chypriotes ont-ils un problème de communication ?
C’est la question que l’ont peut se poser à la lecture de la presse internationale.
C’est toute la phraséologie, le vocabulaire employé par la presse, qui démontre une vision totalement décalée par rapport à la réalité et, en dernière analyse, favorable aux positions turques :
- la République de Chypre est qualifiée par les media de « partie grecque » limitée aux Chypriotes grecs, alors que tous Chypriotes turcs en sont des citoyens pouvant bénéficier d’un passeport chypriote et donc européen;
- le territoire nord de la République de Chypre, colonisé et occupé par l’armée turque, est souvent qualifié par les media de « partie chypriote turque », alors que les Chypriotes turcs y sont minoritaires (la majorité de sa population est composées de colons de Turquie installés par l’armée turque depuis 1974) ;
- le plan de l’ONU pour Chypre est souvent qualifié par les media de « plan de réunification rejeté par la partie chypriote grecque » sans que les raisons du rejet ne soient jamais évoqués - restrictions au droit de propriété des Chypriotes grecs spoliés, indépendance limitée par le maintien de puissances garantes sur le mode du protectorat, quotas sur base ethnique sur une génération et possibilités d’établir des quotas permanent de résidence au nord au détriment des Chypriotes grecs;
- les media internationaux ont souvent tendance à parler du « sud favorisé » et du « nord défavorisé », sans mise en contexte, oubliant que 40% de la population du sud est constituée, à l’origine, de sans abris provenant du nord et vivait dans des tentes après l’invasion de 1974 ;
- le régime protecteur des biens des Chypriotes turcs ayant quitté le sud de Chypre en 1975 n’est jamais évoqué par la presse internationale, pas plus que les mesures de protection sociales instaurées par la république de Chypre au profit des Chypriotes turcs vivant au nord ;
- les rappels historiques établis par les journaux sont le plus souvent lacunaires : pas de référence aux 40% de Chypriotes spoliés de leurs bien depuis 1974 alors que la question est en plein centre du débat public à Chypre; pas de référence à la doctrine turque à l’origine directe de la partition ethnique, la doctrine de déplacement forcé des populations, dont les premières victimes ont été assassinées dès les années 58;
- Le « néo-colonialisme », invoqué par certains medias lorsqu’il s’agit de l’Afrique ou du Moyen-Orient, n’est jamais évoqué pour Chypre malgré la politique agressive et anti-chypriote des anciennes puissances coloniales : la Grande-Bretagne et la Turquie (successeur de l’Empire ottoman).
- les « propositions turques » de janvier 2006 qui subordonnent le respect des obligations internationales de la Turquie (reconnaissance de la République de Chypre) à une reconnaissance de fait de la «République turque du nord de Chypre » non reconnue par l’ONU sont souvent présentées par les media internationaux comme une avancée.

De fait, les medias internationaux ne parlent pas la même langue que les Chypriotes : Chypre ressemble à un territoire hors du temps, et hors du monde, hors du sens commun et des concepts communément admis, où ce qui serait intolérable partout ailleurs dans le monde est gentiment édulcoré, aplani, oublié.

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samedi 21 janvier 2006

Presse : MARIANNE interroge PAPADOPOULOS sur le non.

A signaler : Interview du Président de la République de Chypre dans MARIANNE (numéro 457 du 21 au 27 janvier 2006).


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La justice chypriote : pierre angulaire des droits de tous les Chypriotes.

Des Chypriotes turcs ont saisi le Tribunal correctionnel de Paphos (dans la zone de Chypre encore sous contrôle de la République de Chypre, au sud). Ils accusent un Chypriote grec responsable du cadastre et quatre habitants chypriotes grecs de la région de leur avoir subtilisé des terres pour les vendre à une société d’investissement immobilier (article du journal simerini, 21 janvier 2006).

La première audience s’est tenue le 20 janvier 2006.

Il faut rappeler que le droit de propriété des Chypriotes turcs sur leurs terres est reconnu par tous ; même lorsque les Chypriotes turcs n'occupent pas leur bien, celui-ci est géré par un organisme spécial dépendant de la République de Chypre, qui en laisse parfois la jouissance à des personnes déplacées chypriotes grecques titre provisoire sans leur octroyer le moindre droit de propriété. Alors qu’à l’inverse, le droit de propriété des Chypriotes grecs spoliés du nord est violé systématiquement par l’armée turque et les colons venus de Turquie au nord de chypre, qui ne leur laissent pas le libre accès à leur terre.

Ce n’est pas la première fois que des Chypriotes turcs saisissent la justice de la République de Chypre lorsque, malgré ces dispositifs, des entorses sont faites à la loi. La justice chypriote joue actuellement un rôle clé dans la confortation des droits des Chypriotes sans distinction d’appartenance ethnique. Un rôle noble dont les instances internationales feraient bien de s’inspirer, au lieu de proposer des solutions confortant des droits à plusieurs vitesses basés sur des étiquettes ethniques (comme le faisait le plan Anan) .

Quelle que soit la décision prise dans ce procès particulier, rappelons que la Cour européenne des droits de l’homme peut être saisie pas un justiciable d’un pays membre du Conseil de l’Europe reconnaissant sa compétence, si les juridictions étatiques violent les règles de la Convention européenne des droits de l’homme.

Cela signifie que la justice chypriote est soumise aux règles de l’état de droit et que la République de Chypre n’a pas d’autre marge que de respecter la convention européenne des droits de l’homme. A défaut elle serait sanctionnée par la Cour européenne dont la République de Chypre elle a toujours appliqué les décisions, et justice serait faite, de toute façon.

Pour ces raisons, les Chypriotes turcs qui s’estiment victimes d’une violation de leurs droits peuvent saisir directement la justice chypriote. A l’inverse, les Chypriotes grecs sont contraint d’exercer leur recours directement devant la Cour européenne des droits de l’homme : il ne pourraient le faire au nord puisque la Turquie et les « autorités » installées par Ankara au nord ne reconnaissant pas le droit de propriété des citoyens chypriotes d’origine ethnique grecque ; ces "autorités" de paille ont « redistribué » les terres de ces Chypriotes grecs après les en avoir spolié par l'épuration ethnique ; il n’existe donc pour eux aucun moyen juridique de récupérer leur terre et d’être indemnisé pour 30 ans de privation de leurs biens devant des autorités turques.

Dans la zone libre de Chypre (sud), certains Chypriotes grecs grincent des dents devant cette inégalité de traitement : droits pleins et entiers reconnus aux Chypriotes turcs au Sud à majorité grecque, aucun droit reconnu aux Chypriotes grecs au nord. Cette justice de la République de Chypre est bien sûr financée quasi exclusivement par les contribuables chypriotes grecs. Mais la force de la République de Chypre, est d’avoir intégré une culture véritablement démocratique, imprégnée de la protection du droit de propriété et de l’état de droit. Cette étape n’a pas encore été franchie par les mentalités des élites du nord de Chypre, où les lois de la force, de la propagande et de la conquête continuent d’être considérées comme les meilleures… pour ne pas dire les seules.

Pourtant l’avenir de Chypre est d’abord là : non pas seulement dans les constitutions, les traités et les grands enjeux politiques, mais d’abord et avant tout dans le respect du droit individuel de chaque citoyen chypriote. Seul ce respect apaise et efface les tensions et les envies de revanche.

Et en rappelant que tous les citoyens chypriotes se valent et ont libre accès à sa protection, la justice chypriote fait plus pour la paix et la confiance que toutes les résolutions de l'ONU, jamais appliquées, réunies.

Les Chypriotes sont las que leurs droits dépendent de leur origine ethnique. On peut déplorer que l’Union européenne ignore cette évolution et n’use pas de sa puissance financière pour régler la question des propriétés en réinstallant les colons ailleurs.

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samedi 14 janvier 2006

Un eurodéputé passe le 1er de l’an… dans les geôles turques

Une nouvelle passée inaperçue dans les grands media français et européens : le 31 décembre 2005, en compagnie de l'eurodéputée polonaise Genovefa Grabowska, l'eurodéputé chypriote Marios Matsakis franchit la ligne de démarcation qui sépare la partie sud de Chypre, contrôlée par le gouvernement chypriote, de la partie nord, dont il a perdu le contrôle après l'invasion turque de 1974.

Le but de cette visite : souhaiter une bonne année au leader chypriote turc Mehmet Ali Talat.

L'eurodéputé est immédiatement arrêté par les forces turques, et détenu pendant 48h; le motif : il avait, en novembre 2005, enlevé le drapeau turc d'une position turque lisée sans surveillnce à Louroutzina "(dans la zone normalement contrôle par l'ONU, où les forces turques se sont avancées en 2005 sans réaction des casques bleus); son arrestation visait à permettre de le "juger " pour cet acte et pour "pénétration dans une zone militaire interdite" (l'armée turque a décrété "zones militaires interdites" de nombreuses zones sur la ligne de cessez-le-feu, dite ligne verte).

Des membres des "Loups gris" turcs manifestaient devant le "Tribunal militaire" où il a du signer un document en turc - langue qu'il ne comprend pas.

Ce n'est pas le premier incident concernant un drapeau turc à Chypre : en août 1996, Solomos Solomou, un jeune réfugié chypriote grec de 26 ans dont le cousin avait été battu à mort par les Loups gris et les forces turques devant les caméras de télévision, tentait d'abaisser le drapeau turc en montant sur un mat, après avori déposé une gerbe à la mémoire de son cousin. Il était immédiatement abattu. Les auteurs de ce meurtre, des membres des forces turques, font l'objet d'un mandat de recherche lancé par Interpol et bénéficient de la protection des autorités turques.

Ce qui est frappant, c'est le silence des media et des politiques européens devant une telle arrestation.

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Le rôle trouble du Royaume-Uni

Le gouvernement britannique a annoncé début janvier 2006 qu'il recevrait le "leader chypriote turc" Mehmet Ali Talat, "Président de la République turque du nord de Chypre", un régime reconnu uniquement par la Turquie et soutenu par elle, dans un contexte tendu entre Chypre et le Royaume-Uni :

- refus persistant du Royaume Uni de payer un loyer pour les bases britanniques à Chypre en violation des accords par lesquels Chypre avait cessé d'être une colonie britannique (1959-1960), vestige du passé colonial;

- solidarité du Royaume Uni avec la position américaine de ne pas vendre d'armes au bénéfice de la petite armée de la République de Chypre, alors que la Turquie occupe le nord de Chypre quasi-exclusivement avec des armes d'origine américaine, que la Turquie a récemment renforcé ses troupes à Chypre qui comptent désormais 45.000 hommes malgré l'appui de Chypre à l'entrée de la Turquie dans l'U.E. (à mettre en parallèle avec la décision de l'Allemagne de lever les limitations aux ventes d'armes à la Turquie pour permettre la vente de chars LEOPARD II, au motif... des négociations d'entrée de la Turquie dans l'UE);

- soutien sans faille du Royaume Uni à n retour au plan de l'ONU malgré le refus démocratique exprimé par les Chypriotes grecs ; (sur le scandale que constitue ce plan, voir infra)

- décision de l'épouse Madame BLAIR, en tant qu'Avocat, de défendre une Britannique ;poursuivie pour avoir acheté illégalement le bien d'un Chypriote grec (Madame BLAIR peut exercer son métier, mais eu égard à l'attitude du Royaume Uni vis à vis de Chypre l'épouse du premier ministre britannique qui ne manqe pas d'appraître aux côtés de son mari dans ses fonctions aurait pu s'abstenir d'accepter ce dossier).


Il faut rappeler le lourd passé du Royaume-Uni à Chypre : s'étant vu confier la gestion de Chypre par les Ottomans à la fin du 19ème siècle, les Britanniques proclamèrent Chypre colonie britannique. Les Britanniques s'appuyèrent sur la minorité chypriote turque pour administrer l'île peuplée à 80% de Chypriotes d'origine grecque. Lorsque les Chypriotes grecs de l'EOKA commencèrent la lutte armée contre les Britanniques pour demander le rattachement de l'île à la Grèce, ceux-ci créèrent une police spéciale chypriote turque chargée de contrer les manifestations étudiantes des Chypriotes grecs et de seconder la police et l'armée britanniques. Dans un premier temps les Britanniques fermèrent également les yeux lors de la création de la milice turque TMT qui prônait le séparatisme et l'épuration ethnique.

Cette période laissa un mauvais souvenir des Britanniques pour le Chypriotes grecs : les forces de sa gracieuse majesté avaient recours à la torture (13 jeunes Chypriotes grecs, dont des lycéens de 17 ans et plus, ne purent survivre aux interrogatoires et furent rendus à leurs familles les ongles arrachés ou la boîte crânienne brisée par un étau, des centaines furent meurtris dans leur chair), au rassemblement de tout suspect chypriote grec dans un camp d'internement spécial, à la pendaison de militants. Ce furent aussi les Britanniques qui invitèrent la Turquie aux premières négociations sur l'avenir de l'île. Lâchés par la Grèce qui ne les soutient jamais vraiment à cette période, les Chypriotes acceptèrent la solution d'une indépendance insérée dans le carcan des accords d'indépendance. Censée garantir l'indéendnce de Chypre, le Royaume Uni (pas plus que la Grèce) ne fit rien pour contrer l'occupaton du nord de Chypre par la Turquie en 1974.

Il existe de fait un paradoxe à voir les Chypriotes, membres du Commonwealth et admiratifs du modèle anglo-américain qui inspire tout leur système légal, et leur sens du respect des droits et libertés individuels, traités avec ce degré de mépris par le Royaume-Uni.

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La Cour européenne des droits de l'homme, toujours ignorée... par les Européens.

Dans une décision du 22 décembre 2005, dans l'affaire XENIDES-ARESTIS contre TURQUIE, la Cour européenne des droits de l'homme a appelé la Turquie à réparer le préjudice des personnes déplacées chypriotes grecques ayant engagé un recours contre la Turquie pour être privées de l'exercice de leur droit de propriété au nord de Chypre en raison de leur origine ethnique.

Aux termes de l'arrêt (actuellement disponible en anglais):

"
5. Holds unanimously that the respondent State must introduce a remedy, which secures the effective protection of the rights laid down in Articles 8 of the Convention and 1 of Protocol No. 1 in relation to the present applicant as well as in respect of all similar applications pending before the Court. Such a remedy should be available within three months from the date on which the present judgment will be delivered and the redress should occur three months thereafter;"


On estime à 1.400 les cas de Chypriotes grecs spoliés pendants devant la Cour.

Cependant le nombre de Chypriotes grecs ainsi empêchées de reprendre possession de leur propriété est de plus de 200.000 (bien davantage en prenant en compte leurs familles et ayants droits), soit plus de 2 Chypriotes grecs sur 5.

Le plus surprenant est l'apathie des gouvernements européens qui ne semblent pas prendre en compte :

- que c'est la Turquie qui dans les faits contrôle le nord de Chypre comme le reconnait à nouveau la Cour européenne par cette décision; rappelons également que plus de la moitié des habitants du nord de Chypre sont des citoyens turcs implantés sur les terres des Chypriotes grecs spoliés depuis 1974-1975.

- que le plan de paix l'ONU proposé au référendum en 2003 ne respectait pas non plus pleinement ce droit et paraissait donc en retrait par rapport à l'évolution de l'Etat de droit et du respect des droits de l'homme les plus fondamentaux.

En tête des pays européens, le jeu trouble du Royaume-Uni.

Certains gouvernements préfèrent ignorer que la résolution du conflit chypriote passe d'abord par le respect des droits de l'homme, y compris le respect des propriétés des Chypriotes grecs au nord de Chypre après l'épuration ethnique de 1974-1975; l'on ne peut mettre dos à dos Chypriotes grecs et Chypriotes turcs comme si la Turquie ne violait pas masivement les droits de l'homme à Chypre.

L'Etat de droit n'est pas encore implanté dans les mentalités des ministères des affaires étrangères européens et l'Europe reste à construire.

Pourtant le rapport de la commission européenne publié à l'occasion des négociations sur l'ouverture du processus d'adhésion de Chypre à la Turquie (octobre 2005) précisait que la Turquie devrait régler la question des propriétés des Chypriotes grecs.

Certains gouvernements préfèrent ignorer que la résolution du conflit chypriote passe d'abord par le respect des droits de l'homme, y compris le respect des propriétés des Chypriotes grecs au nord de Chypre après l'épuration ethnique de 1974-1975; l'on ne peut mettre dos à dos Chypriotes grecs et Chypriotes turcs comme si la Turquie ne violait pas masivement les droits de l'homme à Chypre. - que le plan de paix l'ONU proposé au référendum en 2003 ne respectait pas non plus pleinement ce droit et paraissait donc en retrait par rapport à l'évolution de l'Etat de droit et du respect des droits de l'homme les plus fondamentaux. L'Etat de droit n'est pas encore implanté dans les mentalités des ministères des affaires étrangères européens et l'Europe reste à construire.

L'Europe pourrait pourtant jouer un rôle d'impulsion dans le règlement de la question des propriétés, en proposant des aides aux quelque 100.000 colons citoyens de Turquie installés par Ankara et en aidant le gouvernement de la République de Chypre à favoriser l'installation des citoyens Chypriotes turcs au sud et le relogement des personnes déplacées chypriotes grecques rendu nécessaire par cette réinstallation, en attendant leur retour au nord.

Au final, le budget d'une telle opération serait minime en comparaison du budget européen et l'installatio de contingents européens finirait de faire de Chypre une place forte de l'Europe en méditerranée orientale cimentée par l'Etat de droit et le refus de la logique des déplacements de populations forcée que la "communaité internationale" avait rejetée à Dayton pour la Bosnie.

C'est en refusant la logique de l'épuration ethnique que les citoyens chypriotes, qu'ils soient chypriotes grecs ou chypriotes turcs, pourront prouver qu'ils n'aspirent qu'à la recherche de la prospérité dans un cadre européen.

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Chypre : quand le Monde y perd sa référence.

Force est de constater que le quotidien "le Monde" n'observe Chypre que de très loin.

Dans dans un article du 13 janvier 2006 consacré à l'immigration à Chypre on peut lire :

"Pour les Chypriotes grecs, qui, il y a vingt ans encore, vivaient quasiment à huis clos et émigraient en masse, cet afflux de sang neuf "est une révolution", souligne le journaliste[le rédacteur en chef du quotidien anglophone Cyprus Mail, Kosta Pavlowitch], lui-même émigré de Serbie."Les Chypriotes ont réussi à avoir la plus forte concentration de travailleurs étrangers en Europe, sans jamais se poser la question de l'intégration. Comme s'ils avaient exclu dès le départ, l'idée que ces étrangers puissent avoir envie de s'établir", constate-t-il encore.

Ainsi les milliers de Chypriotes turcs qui, chaque matin, passent la "ligne verte" pour travailler au Sud, reprennent chaque soir le chemin du Nord. Le permis de travail pour les étrangers hors UE est renouvelable chaque année, mais il a une durée maximale de quatre ans. "Ce qui prive les travailleurs étrangers de l'accès à la citoyenneté [possible après cinq ans de résidence] et permet de reproduire à leur encontre un schéma de précarité et d'exclusion", relève la juriste Corina Demetriou. "Chypre commence à ressembler aux pays du Golfe", remarque Mete Hatay, évoquant ces Etats arabes où les immigrés sont souvent seuls, ou presque, à travailler — les riches autochtones empochant les dividendes."

Que comprendre de ces lignes?

Que selon le Monde, les Chypriotes turcs sont des étrangers au "Sud" ayant besoin d'un permis pour travailler? C'est en effet ce que peut comprendre le lecteur moyen.

C'est que le Monde semble ignorer qu'aux yeux de la République de Chypre qui contrôle encore le sud de l'île, les Chypriotes turcs, même ceux qui vivent au nord, sont des citoyens chypriotes, comme les Chypriotes grecs, qui bénéficient d'un passeport chypriote, de la sécurité sociale et des soins médicaux offerts par la République de Chypre, et ne sont nullement des étrangers...

Les citoyens chypriotes turcs ont parfaitement le droit de travailler et de s'établir au Sud, et depuis l'affaire Arif MUSTAFA, la justice chypriote a rappelé le caractère inviolable du droit de propriété des Chypriotes turcs qui avaient quitté le sud en 1975. Rappelons que les Chypriotes grecs, eux, n'ont pas la possibilité de s'établir sur leurs terres du nord de Chypre (80% de ces terres sont la propriété de citoyens chypriote grecs, qui depuis 30 ans n'ont pas accès à leur propriété en raison de leur origine ethnique). C'est la différence entre, au sud, une zone controlée par une République certes pas infaillible, mais respectueuse de l'Etat de droit, et au nord, une zone de non droit contrôlée par un régime soutenu par la Turquie, en état d'épuration ethnique perpétuelle. Les Chypriotes d'origine grecque n'y ont droit de citer que pour y dépenser leur argent dans le tourisme, les bordels ou les casinos où la mafia turque recycle son argent sale, point question de remettre en cause la spoliation massive de leurs biens par la force des armes en 74-75.

Comme l'écrit le Monde en fin d'article, "l'Europe est loin" et avec elle l'esprit européen, qui voudrait qu'un journal européen de référence sache que les Chypriotes turcs sont citoyens de la République de Chypre et européens.

Quant à la critique sociale de l'article sur l'intégration des immigrés, bien que tout soit loin d'être parfait à Chypre comme ailleurs en Europe, une chose est sûre : le rédacteur en Chef du Cyprus Mail est un émigré de Serbie... La critique émanant de l'élite responsable de l'échec de l'intégration à la française fait sourire. Mais peut-être que dans le coeur des Chypriotes, l'Europe et ses valeurs ne sont pas si loin que le Monde veut bien le croire.

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